vendredi 18 novembre 2016

La majorité des européens sont des descendants de serfs d'origine musulmane !

 Beaucoup d'européens ignorent que le servage n'as cessé qu'en 1830 depuis l'époque de Charlemagne lui même d'origine musulmane d'Espagne a conclu un accord avec les papes chrétiens pour tuer ses frères pour pouvoir règner sur une Europe chrétienne et pour cela il n'as pas hésité à se convertir au christianisme et donc il fut décidé que les musulmans seraient déportés par l'ancêtre du Vatican et seront dispersés et renommer pour ne pas retrouver leur famille ils ont été employé comme cerfs ou esclaves pour produire du vin pour l'église qui se servait du vin pour corrompre les musulmans et les dominer !

 Lors des croisades les chrétiens ont organisés des razzias pour voler des enfants et femmes et les mettre en esclavage dans leur domaine viticole car le vin est un outil de domination et de corruption !

  Certains Pape ont autorisé à tuer des musulmans pour confier leur famille à des chrétiens pour leur faire oublier leur racines musulmanes et les convertir de force au christisanisme comme cela a été le cas dans le Jura en Espagne en Provence et en Italie !

Des millions de musulmans européens en Espagne Italie le sud de la France la Suisse et les habitants des îles de Méditerranée comme la Sicile la Sardaigne la Corse et des iles an Atlantique comme le Cap vert ainsi que des africains noirs ont été déportés convertis de force au christianisme et mis en esclavage par l'eglise et le ou la cité des Papes à Lyon puis le Vatican.Dés l'époque de Charlemagne des musulmans ont été kidnappés et mis en esclavage et convertis de force au christianisme ou tués en cas de refus.L'eglise parlait de cervage les cerfs en Europe étaient principalement d'origine musulmane et travaillaient dans les monastéres pour cultiver du vin et faire les fortunes des armées européennes et de l'église.Le mort cerfs a donné serviteur et vient de l'arabe tassarif qui signifie commander ou faire de la monnaie
Le servage (du latin servus = serviteur ou esclave), est une institution caractérisant l'organisation socio-économique du Moyen Âge et qui subsiste en Russie jusqu'au milieu du xixe siècle et au Tibet jusqu'en 1959. Sa différence avec l'esclavage provient du statut juridique du serf, il n'est pas assimilé à une chose comme l'était l'esclave, mais il ne dispose pas de la personnalité juridique2.
Les serfs sont une classe de travailleurs agricoles. Ils doivent résider et travailler dans un endroit, et cultiver la terre, propriété de leur seigneur, lequel peut être un noble, un dignitaire ecclésiastique ou une institution religieuse comme un monastère. De ce fait, le serf est juridiquement considéré non pas comme une « chose », un « bien meuble », mais comme une « personne », liée par un contrat (une obligation) à une autre personne. Les serfs cultivent les terres de leur seigneur (la « réserve seigneuriale »). En contrepartie, ils sont autorisés à travailler un lopin de terre (leur « tenure ») pour nourrir leur famille et subvenir à leurs besoins.
À partir du xiiie siècle, les serfs sont soumis de plus en plus à une taxe arbitraire appelée taille, qui devient annuelle à partir de 1439. Les seigneurs ont le droit de mainmorte, en vertu duquel les serfs ne peuvent pas transmettre leurs biens. En échange, le seigneur protège le serf des brigands et lui doit son assistance alimentaire. Ainsi, le serf n'appartient pas à son seigneur, mais est attaché à la terre (souvent un fief, dont le propriétaire ultime est plus haut dans la chaîne de vassalité), la contrepartie étant qu'il ne peut être chassé de cette terre, puisqu'il ne fait qu'un avec elle ; en outre, il possède des biens, peut exercer une action et témoigner en justice, peut contracter (mariages, contrats de vente) plus ou moins librement (le plus souvent entre serfs).
Sa condition de servage pouvait elle-même faire l'objet d'un contrat3. Mais s'il n'est pas nécessairement complètement dénué de droit d'héritage, celui-ci est dans tous les cas fortement limité, en particulier par l'échute : en l'absence d'héritier direct, ses biens reviennent à son seigneur lors de son décès. Ce qui lie le serf à son seigneur se trouve à la base de la pyramide féodale. Cette fidélité, comme tout lien féodal, a une contrepartie : le seigneur lui doit protection.
Le christianisme s'opposait en général à ce que des chrétiens appartiennent à d'autres chrétiens4, ce qui n'a pas empêché l'institution du servage d'exister dans les terres dominées par le christianisme. Certains, comme Alcuin, conseiller de Charlemagne à la tête de l'Académie palatine, ou Raban Maur, autre artisan important de la « Renaissance carolingienne », considéraient l'esclavage et le servage comme légitimes5 ; d'autres, tels l'évêque Jonas d'Orléans ou Agobard de Lyonpensaient qu'on devait traiter un esclave de la même façon qu'un homme libre ; de façon marginale, Smaragde, l'abbé de Saint-Mihiel, réclamait jusqu'à l'abrogation de l'esclavage5.
Selon l'historien Paul Allard (19135), le servage, d'origine romaine, aurait coexisté un temps avec l'esclavage, étant lié de très près avec le colonat. Au ive siècle, une loi de Valentinien et Gratien aurait renforcé l'institution du colonat, en interdisant aux propriétaires de vendre des esclaves ruraux sans les terres cultivées par eux5.
Contrairement aux serfs, les esclaves sont la propriété privée d'un maître. En effet, les esclaves sont des outils vivants aux yeux des maîtres. Ce ne sont pas des personnes mais des biens meubles, comparables aux animaux domestiques, ils sont traités comme ceux-ci. À la ville et dans les campagnes, dans les ateliers, sur les navires, aux champs, les esclaves féminins ainsi que masculins, exclus du peuple, figuraient parmi les instruments de production. Là où le travail n'était pas imposé par la nécessité, l'esclavage n'existait pas : on tuait les prisonniers de guerre. Les esclaves peuvent être achetés, vendus, négociés ou offerts en cadeau…
L'Église, opposée à l'esclavage et propriétaire de nombreuses terres disposant de serfs, aurait alors accordé à ces derniers, un certain nombre de droits, notamment ceux relatifs à l'héritage et au mariage5. À la fin du xixe et au début du xxe siècle, un débat opposait toutefois Ernest Renan et Ettore Cicotti (it) d'un côté, et Paul Allard de l'autre, au sujet des serfs de l'Église : les premiers pensaient que les serfs de l'Église obtenaient moins facilement la liberté que les autres, tandis qu'Allard affirmait que le principe d'inaliénabilité, issu du droit canon, pouvait être assoupli, et qu'on ne pouvait déduire du Concile d'Épaone (417) que les esclaves ou les serfs des monastères ne pouvaient être affranchis5. Selon P. Allard (1913), le Polyptyque d'Irminon, inventaire de biens rédigé au ixe siècle par l'abbé de Saint-Germain-des-Prés, montre une grande variété des statuts de serfs dans l'Église5. Mais c'est, selon lui, saint Benoît d'Aniane, moine bénédictin du VIIIeIXe siècle, qui marque une rupture, en refusant que son monastère, fondé en 807, possède des serfs5.

Les Morisques (de l'espagnol Morisco) étaient des musulmans d'Espagne convertis de force aucatholicisme après l'abrogation par les Rois Catholiques des accords qui leur permettaient, bien que vaincus, de conserver sur le sol espagnol leur foi et leurs coutumes islamiques1,2,3,4. Les édits de conversion de 1502 ont suivi l'abrogation des accords signés en 1492 entre les Rois Catholiqueset Abû Abdil-lah, dernier roi de l'Émirat de Grenade. Ils constituaient une minorité importante dans leRoyaume de Valence, la vallée de l'Èbre et l'Andalousie orientale.

Les origines[modifier | modifier le code]

La Reconquête prend fin en 1492 avec la prise de Grenade. L'intégration, dans la couronne de Castille, de l'ancien émirat de Grenade fait passer plusieurs centaines de milliers de musulmans (peut-être 300 000) sous la domination de souverains chrétiens, Isabelle et Ferdinand. D'après les accords de reddition de la ville de Grenade négociés par le roi vaincu Boabdil et les rois catholiques, les musulmans sont autorisés à conserver leur religion.
Certains musulmans, conscients des difficultés de la cohabitation, préfèrent s'exiler en Afrique du Nord : c'est en particulier le cas des élites. D'autres restent, désignés désormais sous le nom demudéjars. Les accords de reddition sont plus ou moins respectés tant que dure l'influence de l'archevêque de Grenade, Hernando de Talavera (es).
En 1499, arrive à Grenade l'archevêque de Tolède Francisco Jiménez de Cisneros, confesseur de la reine de Castille Isabelle. Cisneros s'attache à réintégrer dans l'Église catholique les « elches », chrétiens convertis à l'islam avant la prise de la ville, entreprise que les musulmans considèrent comme une violation des accords de reddition. Les historiens débattent encore des responsabilités respectives de Cisneros et des rois catholiques dans cette évolution5.
Craignant l'élimination totale de l'islam et exaspérés par diverses pressions économiques et fiscales, les habitants de l'Albaicin de Grenade, quartier de la ville où les musulmans sont désormais relégués, se révoltent. D'autres foyers de révolte s'allument dans les régions montagneuses de l'ancien royaume de Grenade, contraignantFerdinand à mener de véritables opérations militaires pour amener la reddition des révoltés. Au printemps 1501, l'ancien royaume est « pacifié ».
Après la défaite des révoltés, les rois catholiques décrètent l'expulsion des musulmans âgés de plus de 14 ans, d'abord de Grenade puis, en 1502, de l'ensemble de la couronne de Castille. Ainsi les mudéjars des villes castillanes qui vivaient depuis plusieurs siècles pacifiquement sous la domination chrétienne sont concernés par cette mesure. La seule voie de sortie autorisée est laCôte Cantabrique, restriction qui a été interprétée comme le signe que les rois catholiques souhaitaient, en réalité, non pas expulser les musulmans mais les conduire à accepter le baptême.
Après l'expulsion de 1502, il reste encore une importante population musulmane en Espagne, notamment dans le royaume de Valence et, dans une moindre mesure, en Aragon et en Catalogne.
En 1521, pendant la révolte anti-seigneuriale des Germanías du Royaume de Valence, les révoltés, utilisant la menace et la pression physique, conduisent de nombreuses communautés de musulmans à accepter le baptême. En 1525, Charles Quint, conseillé par une assemblée de juristes et de théologiens, décrète que ces baptêmes sont valides6.
Pour remercier Dieu de l'issue favorable de la bataille de Pavie, l'empereur décrète l'expulsion des musulmans de toute la couronne d'Aragon. Ce décret, qui prend effet en 1526, conduit la plupart des musulmans d'Aragon à se faire chrétiens, à l'exception de ceux qui partent clandestinement pour l'Afrique du Nord. Les anciens musulmans restés dans la Péninsule et leurs descendants seront désignés sous le nom de Morisques (moriscos). Désormais, les seuls musulmans tolérés dans les États espagnols sont les esclaves, qui n'étaient pas concernés par les décrets d'expulsion7.
L'inégalité était plus religieuse et culturelle que raciale, car après un millénaire d'histoire et d'intense métissage entre Ibères, Celtes, Romains, Wisigoths, Arabes et Berbères, les Morisques étaient devenus physiquement indiscernables du reste de la population8. C'est ce qui a donc rendu la tâche difficile à l'Inquisition de différencier entre Morisque et vieux-chrétien.
Le serf du XIe ou du XIIe siècle ne fait pas partie du "peuple"; il n'a aucun droit. Il ne peut sortir de cette condition héréditaire qui se transmet par la mère, que par l'affranchissement. Le serf est la propriété du Roi, de l'église ou du seigneur qui l'achète, le vend ou le lègue.
Lorsque les serfs parviennent à avoir une certaine autonomie de production, ils supportent des charges particulières. Si le lien qui les attache au maître risque de se rompre, par l'éloignement par exemple, ils doivent, à date fixe, acquitter une taxe annuelle personnelle, le chevage .
Si le serf veut se marier en dehors du fief de son maître, qui risque alors de voir s'éteindre ses droits sur la descendance, il lui faut payer la taxe de formariage . A la mort du serf, le maître est le premier héritier ; il recueille la succession ou prélève sa part, la mainmorte.
Jusqu'au début du règne de Louis XVI, les serfs payaient la taille aux seigneurs, ils ne pouvaient se marier qu'entre serfs du même seigneur. Il ne pouvait aliéner leur tènement qu'à des serfs du même seigneur.
La révolution, proclamée par les députés du tiers état, commencée par les parisiens avec la prise la Bastille, a été soutenue par la masse des paysans sur toute la France.
Les paysans se révoltèrent pour obtenir l'abolition des droits féodaux intolérables et inéquitables.
La bourgeoisie ne voulait qu'une révolution politique. Elle opposa aux paysans soulevés en jacquerie une politique de répression. Après la chute du roi, des concessions furent accordées aux paysans en août 1792 : l'allègement des droits féodaux. Ce n'est qu'en juillet 1793 que la convention abolit officiellement les droits féodaux.
Qu'entendait-on à l'époque par féodalité, régime féodal, droits féodaux. Si l'on se réfère à un rapport de Merlin au comité féodal en date du 4 septembre 1789, les droits féodaux sont ceux qui dérivent du contrat de fiefs et dont l'inféodation même est le principe directeur. Une extension amène à y inclure tous les droits qui se trouvaient entre les mains des seigneurs ou de l'église :rentes seigneuriales, droits de champart, corvée, banalité, prestation représentative de l'ancienne servitude. À l'époque on distinguait déjà les droits personnels, relatif à la personne des droits réels relatif aux choses, aux héritages.
Voltaire fit campagne pour abolir le servage. Il la commença sous Choiseul la poursuivit sous Turgot.
Louis XVI réduisit les contraintes liées aux personnes ; c'est en effet par un édit du mois d'août 1779que, sous les conseils de Necker, Louis XVI abolit la servitude personnelle et du droit de mainmorte dans ses domaines.
Il est probable que dès 1779 beaucoup de gens cessèrent d'être serfs. Ainsi, si l'on en croit l'abbé CLERGET prêtre franc-comtois, la servitude a été abolie dans la communauté des prêtres missionnaires établis à Beaupré en Franche-Comté. D'autres écrits rapportent que le duc de Nivernois accorda des affranchissements aux serfs sous sa dépendance, en partageant les communaux au profit du peuple.
Necker dans son compte-rendu au roi en 1781 confirme que plusieurs seigneurs ont affranchi leurs serfs à l'invitation du roi. Malgré la bonne volonté de certains seigneurs, la levée des servitude resta lente. Ainsi, le 3 août 1789, les serfs du chapître de St Claude ( Jura) n'étaient pas encore libres. Malgré la bonne volonté de l'Évêque de St Claude Jean-Baptiste de Chabot, le chapître fit entrave à la levée des servitudes.
Suivant en cela les décisions du parlement de Paris qui estimait que l'édit de 1779 ne pouvait nuire aux droits des seigneurs qui auraient été ouverts avant son enregistrement, celui de Besançon, s'opposa à l'enregistrement de l'affranchissement estimant que " le gouvernement ferait mieux d'établir une perception plus douce, une répartition plus égale, une administration plus pure, un ordre plus grand dans la comptabilité, de manière à permettre à chacun de juger de la fidélité de l'exactitude de l'emploi des finances de l'état " Archives. du Doubs, B 2847. extrait du procès-verbal de la séance du 8 mai 1788.
Un autre grand seigneur ecclésiastique : l'abbé Clermont Tonnerre de Luxeuil (Haute Saône) voulut affranchir ses sujets en 1775. Il motiva ainsi sa demande au roi : " depuis trente années que le suppliant est pourvu de cette abbaye, il n'y a vu que des hommes lourds, indolents, découragés et abattus, des terres incultes, une culture absolument négligée, nul commerce, point d'émulation et une apathie générale ; tandis que les habitants et villages libres, leurs voisins, sont vifs, actif, laborieux leurs terres sont bien cultivées et rendent d'abondantes récoltes ; on n'y voit de belles prairies, et nourriture considérable de bestiaux, des engrais abondant et aucun terrain inculte. "Jules Finot, La mainmorte dans la terre de l'Abbaye de Luxeuil Paris 1880 Bibliothèque nationale
Trés recemment les troupes prussienes dont 40 pourcent étaient des cosaques d"origine musulmane convertis de force au christianisme ou au judaisme ont occupé presque toute l'Europe.


Les esclaves et les captifs sont omniprésents sur les deux rives de la Méditerranée à l’époque moderne. Contrairement à l’idée communément admise d’une baisse progressive de l’esclavage en Europe à la fin du Moyen Âge, les travaux les plus récents montrent une présence massive et soutenue d’esclaves, aussi bien d’origine chrétienne que musulmane (Maures ou Turcs), suite à l’avancée de l’empire Ottoman à travers toute l’Europe centrale et la Méditerranée, et à l’intensification de la guerre de course1.
  • 2 . François Moureau (dir.), Captifs en Méditerranée (xvie-xviiie siècle). Histoires, récits, lége (...)
  • 3 . J’ai déjà traité ce sujet, il y a plus de trente ans : Maximiliano Barrio Gozalo, « La esclavitu(...)
2La captivité et ses représentations sont courantes, parmi toutes les populations de l’Europe du sud, mais aussi dans les pays du nord, comme aux Pays-Bas et dans les Îles Britanniques2. Toutefois, les pages qui suivent ne s’intéressent qu’aux Maghrébins qui ont servi à augmenter le contingent d’esclaves musulmans en Espagne au xviiie siècle, suite à la guerre de course. En effet, dès leur capture ils devenaient esclaves, soit de l’État, s’ils avaient été pris par des bateaux de la couronne, soit de particuliers, même si par la suite ils étaient vendus à l’État. Je me propose donc de les suivre pas à pas depuis le moment de leur capture jusqu’à leur libération ou leur mort3.

Premiers pas vers l’esclavage

  • 4 . Archivo General de Simancas (dorénavant AGS), Marina, leg. 703, Ordre royal (Real orden), Aranju (...)
  • 5 . Ordonnance de la course du 17 novembre 1718,art. 15. Une copie se trouve aux archives AGS, Marin (...)
3Quand les Maures et les Turcs capturés en mer lors de la course arrivaient à terre, ils étaient conduits au lazaret ou à un autre bâtiment semblable pour effectuer la quarantaine. Le gouvernement, par l’intermédiaire d’un Conseil de la Santé (Junta de Sanidad), prenait toutes les précautions avec les nouveaux esclaves pour éviter tout danger de contamination de la peste ou de tout autre virus. Ainsi, s’il y avait une épidémie de peste au Maghreb, les corsaires n’étaient pas autorisés à s’emparer des Maures ou des Turcs vaincus lors des combats, mais ils devaient couler leurs embarcations et les laisser se noyer4. La quarantaine était donc une étape obligée, mais, parfois, si les armateurs ne pouvaient pas payer les frais du lazaret, les esclaves effectuaient sa durée dans les arsenaux où ils travaillaient pour couvrir eux-mêmes toutes les dépenses. Quant à savoir à partir de quel jour commençait la quarantaine – celui de la capture ou celui de l’arrivée au port –, la pratique communément suivie était celle préconisée par l’intendant de Carthagène : il fallait compter à partir du jour de la capture, ce qui réduisait de facto les coûts et permettait de mettre plus tôt l’esclave à la disposition de son propriétaire5. À la fin de cette période d’isolement forcé, il fallait aussi qu’à première vue, ils fussent robustes et sains, et qu’il n’y eût pas d’épidémie de peste au Maghreb.
4Pendant la quarantaine, le Conseil de la Santé s’occupait de tout ce dont ils avaient besoin. Il nommait un médecin pour soigner les malades et les blessés, il prenait des dispositions pour leur approvisionnement alimentaire et vestimentaire, il informait l’intendant du département de ce qu’il fallait faire pour s’occuper des esclaves blessés et malades. C’est ce que dit l’intendant de Malaga au secrétaire de la Marine :
  • 6 . « Se han mandado al lazareto 24 mantas y 12 camisas que pedían para abrigo y reposo de los 120 m (...)
L’on a envoyé au lazaret 24 couvertures et 12 chemises que l’on demandait pour le vêtir et le coucher des 120 Maures et Turcs qui font la quarantaine au lazaret de Malaga. Dernièrement, on a redemandé 50 chemises et 24 couvertures de plus, à cause des grands froids que l’on subit en ce lieu si peu abrité, le chirurgien redoutant qu’à cause de cela ils ne tombent encore plus malades6.
5Autre exemple, en janvier 1766, l’escadre de Barceló débarqua à Malaga 120 Maures et Turcs, produits des prises réalisées, et on les transféra au lazaret pour la quarantaine. L’intendant, prévenu par le Conseil, donna l’ordre de mettre à disposition des nouveaux esclaves nourriture et vêtements ; mais, quelques jours plus tard, le chirurgien dénonça les déficiences qu’il y avait dans l’assistance aux malades et aux blessés. L’intendant accusa alors le Conseil d’être responsable des carences, car il ne faisait que mettre en œuvre ce que le Conseil demandait :
  • 7 . AGS, Marina, leg. 705, Crespo Samaniego à Arriaga, Malaga, 4 février 1766 : « Cada día se asiste (...)
Chaque jour l’on pourvoit au nécessaire pour que les malades ne subissent aucun retard dans leur guérison ; en effet, les ordonnances sont adressées à notre institution, où l’on prend immédiatement toutes les dispositions afin de les transmettre à l’apothicaire qui doit exécuter aussitôt les préparations7.
  • 8 . Ibid., Malaga, 7 février 1766. N. B. En Castille, la onzaéquivalait au seizième de la livre, so (...)
6Peu après, le médecin donna des informations sur l’état des malades et des blessés, et il demanda pour les esclaves des chemises et des couvertures pour faire face au froid de l’hiver en ce lieu si peu abrité. L’intendant visita le lazaret et, se rendant compte qu’ils étaient presque nus, donna l’ordre d’y remédier. De même, quant à leur nourriture, à la demande du médecin, aux quatre onces de soupe auxquelles ils avaient droit, l’intendant demanda à ce qu’on leur ajoutât huit onces de viande salée pour pouvoir mieux supporter les basses températures que l’on enregistrait alors8.
  • 9 . Ibid., Les procureurs syndics de Palma au Marquis de Cayro, Palma, 4 septembre 1753.
  • 10 . « Para animar a los corsarios particulares a armar sus embarcaciones contra los berberiscos », A (...)
7Les dépenses effectuées en nourriture, vêtements, médicaments, salaires de médecin et de gardiens étaient à la charge des finances royales quand les esclaves appartenaient à l’État, et à celle des armateurs et des privés quand les esclaves étaient leur propriété. Si les frais de la quarantaine étaient supérieurs aux bénéfices tirés de la vente des esclaves, les armateurs faisaient appel au roi pour lui demander une aide financière et en général ce dernier la leur accordait pour les encourager à poursuivre la course. En 1753, la ville de Palma de Majorque adressa au roi une requête, dans laquelle, se plaignant de la misère de l’île, elle disait ne pas pouvoir payer les dépenses de la quarantaine d’une galiote prise par Barceló : elle s’élevait à 1 880 pesos, auxquels il fallait ajouter 1 500 pesos en vivres et munitions donnés aux chébecs qui avaient effectué la prise, alors que la vente de la galiote et des esclaves n’avaient rapporté que 3 091 pesos, laissant ainsi un déficit de 289 pesos9. En d’autres occasions, surtout à partir de la moitié du xviiie siècle, le roi décidait que les dépenses de la quarantaine seraient entièrement prises en charge par les finances royales et que, de surcroît, l’on remettrait à l’armateur et à l’équipage une gratification « pour encourager les corsaires privés à armer leurs bateaux contre les barbaresques »10.
  • 11 . AGS, Marina, leg. 701, Ordonnance sur la course du 17 novembre 1718, art. 3 et 35 ; et décision (...)
8Au terme de la quarantaine, et après vérification effectuée par le Conseil de la Santé du bon état physique des esclaves, l’on entrait alors dans une autre étape du devenir des esclaves : les uns revenant à l’État, d’autres à des privés qui le plus souvent les vendaient alors à la Couronne ou à des marchands nationaux ou étrangers, selon les dispositions royales de 1718 et 1724 qui régulaient le marché des esclaves11.
  • 12 . AGS, Marina, leg. 709, Ordonnance sur la course des Rois Catholiques : « que los arráeces fueran (...)
  • 13 . AGS, Marina, leg. 709. Même si l’ordonnance sur la course des Rois Catholiques fut en vigueur ju (...)
9Les esclaves de l’État, aussi bien ceux capturés par les navires de la couronne que ceux achetés aux armateurs privés, en fonction de leur condition physique ou de leur qualification, servaient sur les galères – selon les époques – ou sur des chantiers d’utilité publique. Quand les galères étaient en service, la majorité des esclaves y servaient à la rame ou dans des fonctions auxiliaires ; les autres travaillaient dans l’arsenal de La Carraca de Cadix. En 1748, quand les galères cessèrent de fonctionner, tous les esclaves furent employés dans les arsenaux et dans les travaux publics.Quant au traitement réservé aux raïs et à leurs seconds des embarcations corsaires barbaresques, il change aussi tout au long du siècle en fonction de l’évolution de la législation. L’instruction du 25 mars 1647 avait déjà corrigé l’ordonnance sur la course des Rois Catholiques du 148012qui stipulait « que les raïs fussent pendus s’ils avaient résisté lors de leur prise, ou envoyés au service des galères s’ils s’étaient rendus sans combattre, ou encore pendus s’ils étaient dans l’incapacité de travailler », en ordonnant qu’ils fussent envoyés à la rame jusqu’à leur mort ou leur éventuel libération13. Mais, quand l’on cessa d’utiliser les galères, ils furent emprisonnés dans la forteresse Santa Catalina de Cadix et à l’Alhambra de Grenade, puis, à partir de 1761, dans l’Alcazar de Ségovie et dans le château de Lérida.

Nombre, provenance et âge des esclaves

10Bien qu’il ne soit pas possible de connaître de façon exhaustive le nombre de musulmans capturés par les corsaires espagnols, ni leur origine géographique, âge ou durée précise de leur esclavage, dans la mesure où nous ne disposons que de récits détaillés partiels, malgré tout, grâce à la documentation dont nous disposons, nous pouvons en avoir une idée approximative.
  • 14 . Les données sont tirées des archives : AGS, Marina, legs. 701-709 y 721.
11Tout au long du xviiie siècle, les corsaires espagnols capturent un peu plus de 10 000 Maures et Turcs lors des affrontements maritimes : 87 % d’entre eux restent en vie et les autres sont tués lors des combats. Les années 1750-1767 sont celles où l’on fait le plus grand nombre de captures : presque 42 % du nombre total14.
12Il n’est pas facile de connaître l’origine géographique exacte des esclaves, à cause de l’imprécision des réponses faites aux fonctionnaires chargés d’établir les fiches d’identification : parfois les esclaves ne disent pas la vérité par intérêt, parfois ils donnent des noms de villages ou de douars que les fonctionnaires ne savent pas situer. Ainsi, si avant la signature du traité de paix avec le Maroc, en 1767, tous ceux qui sont originaires de ce sultanat disent être Algériens, après sa signature tous prétendent être Marocains, même ceux qui ne le sont pas. Cette attitude s’explique du fait que, jusqu’en 1767, les rachats entre les domaines du sultan du Maroc et l’Espagne étaient rares et difficiles, de sorte que le seul moyen qu’avaient les esclaves d’origine marocaine pour arriver à obtenir leur liberté, c’était de se faire passer pour des Algériens, les rédemptions avec Alger étant fréquentes et comprenant toujours un grand nombre d’esclaves. Quoi qu’il en soit, si nous nous en tenons à une indication élargie de leur lieu d’origine, l’on peut dire qu’ils étaient originaires du Maghreb, avec une prépondérance de la régence d’Alger, même si l’on trouve aussi un nombre important d’esclaves originaires de la zone européenne de l’empire Ottoman.
  • 15 . AGS, Marina, leg. 704, Relation des Turcs et des Maures de trois chebecs algériens qui furent sa (...)
13La documentation différencie les esclaves par leurs traits ethniques et les désigne par l’appellation de Maures et Turcs. Les premiers, les plus nombreux, sont ceux originaires d’Afrique du Nord ; par contre, les seconds constituent la classe dirigeante d’Alger et ce sont les descendants des anciens Turcs installés dans la régence ou de renégats qui avaient obtenus le statut de Turc. Il y a également quelques noirs, esclaves des Maures ou des Turcs faits prisonniers. Par exemple, le récit de deux prises algériennes faites par les corsaires espagnols en 1755 et 175815indique que tous ceux qui ont été capturés sont des hommes, qu’il n’y a que quelques enfants de moins de quatorze ans, que les Turcs sont plus nombreux que les Maures, que la majorité est originaire d’Alger et que bon nombre d’entre eux se disent de Turquie et des zones côtières de l’empire Ottoman (19 %), même si parmi eux, quoique en nombre plus réduit, il y a aussi des Marocains, des Tunisiens et des Tripolitains.
  • 16 . AGS, Guerra Moderna, leg. 1531.
  • 17 . Ibid., leg. 1532, Relation des pères rédempteurs concernant le rachat d’Alger de 1751.
  • 18 . Ibid., Marina, leg. 706, Relation de l’échange d’esclaves algériens par des captifs chrétiens, 1 (...)
14La documentation indique généralement aussi l’âge qu’ils avaient au moment de la capture – en moyenne, un peu plus de 30 ans –, ainsi que la durée de l’esclavage, bien supérieure à celle des captifs espagnols au Maghreb, car jusqu’à la moitié du xviiie siècle les gouvernements des régences barbaresques et le sultan du Maroc n’avaient pas pour habitude de racheter leurs sujets, préférant négocier et tirer profit de la rédemption des captifs chrétiens que de s’occuper du rachat des leurs. Par exemple, les 151 esclaves marocains qu’il y avait en Espagne en 1739 étaient privés de liberté depuis plus de douze ans, et ils durent encore attendre treize ans de plus avant d’être libérés, c’est-à-dire que la durée de l’esclavage fut pour eux d’environ 25 ans16. En 1751, les 545 esclaves algériens que l’on voulut échanger avec des captifs espagnols étaient privés de liberté pour la plupart depuis 21 ans, et le tiers était en captivité depuis plus de 30 ans17. Par contre, les 797 captifs pris sous bannière algérienne en 1755 et 1758 ne restèrent que douze ans en esclavage, car en 1768-1769 on rendit la liberté à tous les esclaves algériens18.
  • 19 . Ibid.,leg. 702, Relation des esclaves maures et turcs qui se trouvent sur les escadres de galère (...)
15Enfin, à titre indicatif l’on peut dire que le nombre d’esclaves appartenant à l’État espagnol est d’environ 1 000 pendant la première moitié du xviiie siècle, qu’il monte à 1 300 pendant les deux décennies suivantes et descend sensiblement à partir de 1769, suite au rachat général réalisé avec Alger. En d’autres termes, leur nombre fluctue en fonction de deux facteurs : le nombre de Maures et de Turcs pris chaque année par les corsaires de la couronne ou achetés aux armateurs privés, et le nombre d’esclaves que le roi accordait aux pères rédempteurs pour les échanger contre des chrétiens captifs en Barbarie. À cela, il faudrait ajouter un troisième paramètre, valable seulement pour la première moitié du xviiie siècle : leur principale affectation étant le service des galères, le gouvernement ne se préoccupait pas d’augmenter leur nombre s’il y avait suffisamment de rameurs. Cela explique donc aussi que pendant toute la première moitié du siècle leur nombre soit resté stable, autour de mille. La majorité servait sur les escadres des galères basées à Barcelone et Carthagène19.
16Par la suite, du fait du retrait des galères en 1748 (substitués par des chebecs et des navires à voile), les esclaves furent envoyés travailler dans les arsenaux, où l’on avait besoin d’une main-d’œuvre abondante et peu chère pour réaliser les plans de construction navale programmés par le marquis de La Ensenada. Le nombre d’esclaves augmenta progressivement, quand les navires de la couronne prirent directement part à la course dans les années 1760.
  • 20 . AGS, Marina, leg. 705.
17En 1766, il y avait 1 453 esclaves d’État et ils étaient distribués ainsi : 929 dans les arsenaux (18 à La Carraca de Cadix, 5 à El Ferrol et 906 à Carthagène), 495 dans les travaux de construction de routes (230 pour le chemin de Guadarrama et 265 pour celui de la Catalogne), et il y avait 29 raïs et seconds de raïs emprisonnés dans les châteaux de Lérida et de Ségovie20. À partir de 1767, le nombre d’esclaves baissa rapidement à cause des libérations massives auxquelles l’on procéda et du fait de la diminution des captures. En 1767, on libéra 255 esclaves à l’occasion de la signature du traité de paix avec le Maroc, et en 1768-1769, 1 249 autres esclaves furent libérés au motif du rachat général que l’on fit avec Alger. Il n’y avait donc plus que 226 esclaves, mais l’année suivante ils étaient déjà 476, et ce nombre demeura à peu près constant jusqu’en 1780, diminuant ensuite légèrement les années suivantes. À compter du 14 juin 1786, date de la signature du traité de paix entre l’Espagne et la régence d’Alger, les esclaves maures et turcs disparurent ou furent réduits à un nombre insignifiant.

Conditions de vie

18Malgré la dureté de vie des esclaves, nous ne devons pas oublier qu’ils partageaient le sort des prisonniers et des forçats : mêmes travaux, mêmes lieux de vie, même nourriture ; mais aussi mêmes soins quand ils étaient malades et mêmes possibilités de communication avec le monde extérieur.
  • 21 . Ibid., leg. 709, L’administrateur de l’hôpital d’Alger à Medina, Alger, 12 octobre 1766 :« Por l (...)
19À l’époque où les galères étaient en service, les esclaves qui s’y trouvaient avaient pour lieu d’habitation ces mêmes galères ; par contre, ceux qui travaillaient dans l’arsenal de la Carraca étaient logés dans des baraquements, où parfois ils devaient supporter l’entassement et la misère. D’après un texte de 1766 : « la nuit on les met à dormir dans un lieu si étroit que, là où ne peuvent dormir que dix ou douze personnes, on en met cinquante, et ils doivent ainsi dormir recroquevillés, emplis de misère et d’immondice »21.
20Quand l’on mit fin au service des galères, ceux qui travaillaient dans l’arsenal de Carthagène continuèrent à utiliser les galères qui se trouvaient dans le port comme lieu d’habitation où ils s’y reposaient la nuit et où ils passaient leurs journées libres. Par contre, les raïs ne furent pas soumis au travail forcé, ils recevaient une aide financière journalière pour leur nourriture et ils furent envoyés dans plusieurs forteresses, où ils vivaient enfermés mais sans oppression. Ceux qui étaient à l’Alcazar de Ségovie avaient la liberté de circuler au premier étage et de recevoir les visites autorisées par le gouverneur de la forteresse (el alcaide),desept heures du matin à sept heures du soir, moment où on les enfermait dans les cellules. Dans chacune d’elles, il y avait deux prisonniers et ils y avaient chacun leur lit en bois et couche, composée d’une paillasse, d’un oreiller et de deux couvertures. Mais voyons comment ils décrivent leur situation :
  • 22 . Archivo Histórico Nacional (dorénavant AHN), Estado, leg. 4308, Les raïs esclaves à Ségovie au d (...)
Nous sommes dans une ville appelée Ségovie, très loin de la mer. La nuit, on nous enferme et, le jour, on nous ouvre les portes. Nous avons nos aises dans les étages élevés de la demeure, où il y a des gardes dans l’escalier. Chacun ne descend que pour prendre l’eau dont il a besoin pour lui-même. Quand les chrétiens viennent, on ne les laisse pas entrer pour parler avec nous, tant que le gouverneur ne les y autorise. On ne nous donne aucun objet qui soit en fer ; chacun a son lit ; on nous donne du linge tous les ans et nous sommes bien vêtus ; chacun de nous reçoit trois réaux par jour, qui équivalent à cinq blancs de là-bas, et Hachimusa et Barbusa en reçoivent quatre22.
  • 23 . Si nous reprenons les calculs sur la base d’une once castillane équivalant à 28,7 g, ils recevai (...)
  • 24 . AGS, Marina, leg. 705 et 709.
21Quant au régime alimentaire, s’il est différent selon le lieu de détention, en règle générale il se composait de pain et de légumes. Lorsqu’ils étaient dans les quartiers des galères, même s’ils passaient leur journée au repos, la ration journalière à laquelle ils avaient droit était de 24 onces de biscuit, sept onces de fèves et un petit quart de vin. Quand ils travaillaient dans l’arsenal, pour les travaux ordinaires, ils recevaient la même ration mais bénéficiaient d’un supplément de quatre onces de riz ou de vermicelles, et pour ceux qui accomplissaient les travaux les plus durs, le supplément était de huit onces de riz ou de vermicelles, distribués en deux fois, au petit-déjeuner et au déjeuner23. La viande était absente et ils n’en mangeaient que les jours de Pâques et des Rois, seuls moments de l’année où ils recevaient quatre onces de viande de bœuf ou du lard24.
  • 25 . Ibid., leg. 705, Medina au gouverneur du Conseil, Carthagène, 19 août 1761 : « Dice que cada año (...)
  • 26 . Ibid., leg. 701, Nicolás Colón, commissaire de la Marine à Juan de Varas y Valdés, Arsenal de la(...)
22En plus des vêtements qu’on leur donnait quand ils arrivaient à terre après la capture, s’ils étaient dénudés, tous les ans, en novembre, ils recevaient « deux chemises, un sarrau, une culotte de toile bleue ou rouge, une capote de toile grossière, un bonnet de drap, des espadrilles de sparte, une once de fil fin et une autre de fil de voile ». Cependant, parfois, la norme n’était pas suivie, et nombreuses étaient les voix qui s’élevaient pour dénoncer la nudité des esclaves25. En décembre 1737, le commissaire de la Marine de Cadix informe le gouverneur que les esclaves de l’arsenal souffrent beaucoup du froid, car en deux ans ils n’ont reçu qu’une culotte confectionnée dans une grosse toile pour bâches ou voiles usée26.
  • 27 . Ibid., leg. 705, l’administrateur de l’hôpital d’Alger à Arriaga, Alger, 22 juillet 1761.
23La même situation se présenta dans l’arsenal de Carthagène, où, là aussi, en 1761, l’on dit que depuis deux ans les esclaves n’avaient reçu aucun vêtement27. Parfois, les responsables de leur nudité, c’étaient les esclaves eux-mêmes qui vendaient ou jouaient leurs vêtements.
  • 28 . Ibid., leg. 721, Medina à Arriaga, Carthagène, 29 novembre 1766 :« expresó que no lo creería su (...)
  • 29 . Id.
  • 30 . Ibid., leg. 705, Medina à Arriaga, Carthagène, 10 mars 1764 : « hay en el hospital en el día y d(...)
  • 31 . Id.
  • 32 . Ibid., leg. 709, le consul de Venise à Alger à Arriaga, Alger, 10 novembre 1766.
  • 33 . Ochavo : ancienne monnaie de cuivre qui valait deux maravédis (environ un liard).
24Le milieu dans lequel ils vivaient était propice à contracter toutes sortes de maladies et celles qui les affectaient le plus étaient les maladies de cœur et des poumons, la teigne, la lèpre et les paralysies de tout type. Nombreux étaient ceux aussi qui souffraient d’épuisement, qui s’étant cassés un membre étaient estropiés, borgnes ou aveugles, mutilés, à cause d’un accident de travail ou d’une bagarre entre eux qui avait mal tournée. Tous étaient conduits à l’hôpital, où l’on s’occupait d’eux relativement bien, au point que l’ambassadeur du Maroc lors de sa visite de l’hôpital de Carthagène en 1766 fut étonné de voir les soins qu’ils y recevaient. Cela lui sembla si extraordinaire qu’il dit que « son souverain ne le croirait pas, si ce n’était lui qui le lui affirmait »28. Jusqu’en 1766, les malades étaient entravés par des chaînes dans l’hôpital et on ne les leur ôtait que quand ils étaient dans un état très grave ; mais, cette année-là, à la demande de l’ambassadeur marocain, les autorités décidèrent de les leur enlever et de ne leur laisser qu’un fer de quatre ou cinq livres de poids, qu’on retirait aussi quand le malade était au plus mal29. Nonobstant, malgré les efforts que faisaient les autorités pour que les esclaves fussent bien soignés, les plaintes transmises à l’ambassadeur marocain et envoyées au gouvernement algérien laissent à penser qu’il y avait encore assez de négligences. En temps normal, le nombre d’esclaves malades tournait autour de 10 %, si l’on en croit ce que dit l’intendant de la Marine : « il y a à l’hôpital à ce jour, et l’on doit considérer que le nombre est toujours plus ou moins le même, à quelque différence près, 91 esclaves sur un total de 994 »30. Le taux de mortalité parmi les esclaves était d’environ 35 ‰ par an, alors que parmi les forçats il était de 50 ‰31. Ils communiquent avec l’extérieur par une correspondance écrite, bien que parfois les autorités prennent des mesures restrictives et interdisent d’écrire en arabe32. De plus, c’était un service cher et peu pratique, car il y avait seulement un encrier pour tous, et ils devaient payer un ochavo33 pour l’utiliser et autant pour le facteur qui se chargeait des lettres. La confidentialité n’était pas non plus respectée, dans la mesure où ils devaient remettre au contre-garde les lettres ouvertes.
  • 34 . Maximiliano Barrio, Esclavos y cautivos…, op. cit., p. 154-158.
  • 35 . AGS, Marina, leg. 709, Le gouverneur du Conseil à Medina, Madrid, 31 décembre 1765 :« Asistían l (...)
25Quant à l’expression religieuse, elle se réduisait à l’espace personnel de chaque individu pour les prières et aux rites funéraires collectifs quand l’un des esclaves venait à mourir. Bien qu’il y eût une maison qui servait de mosquée à Carthagène pendant une grande partie du xviiie siècle, ce lieu était interdit aux esclaves qui ne pouvaient s’y rendre que pour la cérémonie réservée aux morts34. Seuls les Maures originaires de pays musulmans, libres ou affranchis, qui résidaient dans la ville, pouvaient y aller pour faire leurs prières, quand le muezzin qui y habitait avait fait l’appel en se mettant à l’une des fenêtres. Ils entraient pieds nus et ils embrassaient les escaliers par où ils passaient, puis faisaient leurs prières, « en criant tous en même temps »35.
  • 36 . Ibid., Décision du Conseil de l’Inquisition, Madrid, 28 septembre 1769.
26En 1770, le Conseil de l’Inquisition ayant considéré que l’existence d’une mosquée était intolérable36, le roi donna l’ordre de la démolir et d’expulser les Maures originaires des pays musulmans ou libres :
  • 37 . Ibid., Ordre royal établi au Palais le 5 avril 1770 :« El Consejo de Inquisición – dice la real (...)
Le Conseil de l’Inquisition a présenté au Roi les graves préjudices que cause l’existence dans ces royaumes de Maures originaires de pays musulmans, libres ou affranchis, s’opposant ainsi à plusieurs lois et pragmatiques qui interdisent qu’ils y résident, et l’existence à Carthagène d’une mosquée… Alors que ce que demande le Conseil de l’Inquisition, dans son rapport motivé présenté au Roi et qui se fonde sur des lois royales en conformité avec le catholicisme de Sa Majesté, c’est l’entière extinction et destruction de ladite Mosquée de Carthagène, et que l’on procède à l’expulsion de tous les Maures originaires de pays musulmans, libres ou affranchis qu’il y aient dans cette ville ou dans tout autre lieu de ces domaines37.
  • 38 . Maximiliano Barrio Gozalo, « Trasvase de religiones y culturas. Los renegados y conversos en el (...)
  • 39 . Exemples tirés des archives, AGS, Marina, leg. 701 et 707. Pour de plus amples informations, voi (...)
27Les autorités espagnoles, en même temps qu’elles tolèrent la religion musulmane des esclaves, ont à cœur de favoriser les conversions, en leur présentant des raisons qui pouvaient les attirer. Les jeunes enfants esclaves seront une cible privilégiée. Confiés à des artisans ou vendus à des particuliers, l’on fait en sorte de les séparer des autres esclaves adultes, et l’on espère que, dans un contexte de vie chrétienne, ils vont devenir à leur tour de bons chrétiens. Les résultats n’étaient cependant pas toujours ceux escomptés, et, en l’occurrence, l’âge de l’enfant esclave devait également y être pour beaucoup. Les esclaves adultes, qui manifestaient leur désir d’embrasser le christianisme, étaient interrogés par un prêtre, afin de connaître la sincérité de leurs intentions. Si l’examen était probant, ils étaient séparés des autres esclaves, instruits dans le dogme catholique et baptisés, quand on les avait jugés dignes de recevoir ce sacrement. Même si la conversion au catholicisme ne signifiait en aucun cas affranchissement, les autorités mettaient tout en œuvre pour les conforter dans leur nouvelle religion. On les employait à des tâches qui leur permettaient d’assister à la messe et d’accomplir leurs devoirs de chrétiens ; parfois on les vendait aussi à des particuliers, ou on les attribuait aux hôpitaux, couvents et collèges, pour les maintenir éloignés des moqueries et mauvais traitements des autres esclaves. En certaines occasions, après être restés en esclavage pendant un certain temps, ils obtenaient gratuitement leur liberté38. Par exemple, en 1728 les Franciscains de Carthagène échangent un esclave musulman par un esclave qui s’était fait chrétien, « pour qu’il vive dans le couvent et puisse être fidèle à sa nouvelle religion ». En 1733, ils transfèrent un autre esclave néo-converti du service des galères à l’hôpital de la marine de Carthagène pour qu’il prenne soin des malades. En 1738, un autre nouveau converti, esclave à Cadix, demande la liberté « à cause du nombre important d’années qu’il avait été esclave dans les chantiers navals », et on la lui accorde pour qu’il puisse continuer à y travailler en touchant une solde. D’autres, même s’ils n’obtiennent pas la liberté, voient leur condition socio-économique s’améliorer, grâce à leur nomination comme aide-alguazils ou contremaîtres des esclaves39.

Utilité économique

28L’esclave peut être acheté, vendu ou échangé, tout comme n’importe quel autre bien. Voilà pourquoi la dimension économique est l’un des principaux mobiles de l’esclavage. Tout d’abord, le fisc royal percevait des droits sur chaque Turc ou Maure capturé, même si, peu à peu, tout au long du xviiie siècle, l’État s’est désisté en faveur des corsaires. Jusqu’à la promulgation de l’ordonnance sur la course de 1718, la couronne avait droit à percevoir le cinquième (quinto real) sur toutes les prises qui étaient réalisées, tant sur les personnes que sur les marchandises ou les bateaux, ainsi que des droits sur les douanes et les ventes. Si l’État renonce alors au quinto qui lui revenait, il n’en va pas de même des droits sur les douanes et les ventes. Ces derniers continueront à être versés par les armateurs des côtes méditerranéennes jusqu’à la décision du 7 juin 1724 qui les exemptera du paiement en raison de la vente des prises.
  • 40 . AGS, Marina, leg. 707, Medina à Arriaga, Carthagène, 25 septembre 1773 :« son enfermos habitual(...)
  • 41 . Ibid., leg. 705, Medina à Arriaga,Carthagène, 1er septembre 1762 :« que la sangre que suele es (...)
  • 42 . Ibid., leg. 704 et 706. Voir Maximiliano Barrio Gozalo, Esclavos y cautivos…, op. cit., p. 161.
  • 43 . Ibid., leg. 703 et 704, pour quelques exemples.
29En second lieu, les caisses royales tiraient aussi des revenus de la vente des esclaves déclarés inaptes au travail, des enfants et des convertis au christianisme. Chaque année, les esclaves passaient une visite médicale, et ceux qui ne pouvaient plus travailler à la rame, ni dans l’arsenal ou les travaux publics, parce qu’ils étaient handicapés, malades, ou simplement trop âgés, étaient déclarés inaptes. Les motifs d’incapacité que l’on donne concernant les 100 Maures que l’on remet au sultan du Maroc en 1773 sont les suivantes : huit sont estropiés, deux fous, quatre vieux, trente hernieux ou cassés, seize manchots, quatre aveugles et les trente autres « sont malades du cœur, asthmatiques, lépreux, paralytiques et teigneux »40. Parfois les esclaves simulaient quelques maladies, afin d’être exclus du nombre de ceux déclarés aptes pour le travail et pouvoir faire partie de ceux qui seraient échangés contre des chrétiens. Les cas de ce type étaient fréquents : en 1762, l’intendant de Carthagène confie au secrétaire de la Marine que le médecin de l’hôpital a des doutes sur la maladie d’un esclave hospitalisé, car il pense « que le sang qu’il crache est dû au fait qu’il se gratte exprès les gencives et qu’il fait semblant d’avoir des contractions des petits doigts de sa main gauche »41. Les enfants esclaves de moins de 14 ans étaient remis aux officiers de marine ou vendus à des particuliers, aussi bien aux enchères publiques qu’en privé. Leur prix oscillait en fonction de la demande, et il était au minimum d’environ 30 ducats de billon, et au maximum il pouvait atteindre les 120/140 ducats, comme à Carthagène dans les années 176042. Lors de la vente des esclaves convertis au christianisme à des particuliers ou à des institutions, qui les demandaient au prix de revient et à condition de n’avoir pas à leur accorder la liberté, se conjuguaient la préoccupation de les protéger des dangers qui pouvaient surgir de leur contact avec les autres esclaves et l’intérêt des finances royales de tirer d’eux un bénéfice économique43.
  • 44 . Ibid., leg. 704, Barrero à Arriaga, Carthagène, 14 mai 1755.
30Troisièmement, la rentabilité de l’esclave provenait essentiellement de son utilisation comme main-d’œuvre : toujours disponible, il accomplissait les travaux les plus durs et les plus dangereux, que les travailleurs libres refusaient ou faisaient pour un salaire élevé. Les lieux où ils étaient essentiellement exploités étaient : les galères, les arsenaux et les travaux publics. Cette main-d’œuvre était si appréciée par les autorités que, parfois, les intendants se disputaient pour elle, soulignant ainsi le besoin qu’ils en avaient et les avantages économiques pour les finances royales. C’est ce qui se passe en 1755, quand les intendants de Barcelone, Cadix et Carthagène demandent au secrétaire de la marine des esclaves parmi ceux nouvellement capturés pour effectuer les travaux les plus durs des arsenaux et des chantiers de fortification de la ville comtale44.
  • 45 . La galère est le bateau par excellence utilisé en Méditerranée aux xvie et xviie siècles.
  • 46 . AGS, Marina, leg. 702, Relation des esclaves maures qui sont sur les galères en 1739.
  • 47 . Novísima Recopilación de las leyes de España, Madrid, 1805, libre 12, titre 40, loi 10.
31En tant que bateau de guerre à rames et à voiles, la galère avait besoin d’hommes pour la faire avancer : on les appelait les galériens45. Cette chiourme était formée d’hommes condamnés aux présides et de vagabonds enrôlés de force, ainsi que d’esclaves. Pendant la première moitié du xviiie siècle, elle était en grande majorité composée d’esclaves maures et turcs. Quand un esclave arrivait aux galères, il était tout d’abord enregistré sur un livre où étaient consignés des renseignements sur sa personne, ainsi qu’une brève description physique : taille, couleur des yeux et des cheveux, forme du visage et signes particuliers ; par exemple : « Soliman, de taille moyenne, robuste, peau couleur de coing cuit, âgé d’environ 45 ans »46. Chacun recevait un numéro d’identification, qui le suivait pendant toute sa vie d’esclave. Les esclaves considérés comme aptes à la rame étaient envoyés aux galères qui avaient toujours besoins de bras pour ramer, et on attribuait aux autres des tâches auxiliaires. Sur-le-champ, le barbier leur rasait la tête, ils abandonnaient leurs vêtements et en recevaient de nouveaux, composés de deux chemises, deux culottes de toile grossière, une paire de chausses, un bonnet, une casaque de laine rouge, ainsi qu’un manteau et une cape avec capuche, confectionnée dans un tissu de laine marron qui leur servait aussi de sac de couchage. Les galères sortaient en mer du printemps à l’automne, et chaque escadre avait un service de trois mois. Sur les 90 jours de campagne, presque la moitié du temps elles étaient ancrées dans un port pour l’aiguade et pour s’approvisionner en bois, moments où les officiers pouvaient se divertir et la chiourme se reposer. Quand la campagne était finie, on renvoyait la majorité de l’équipage libre et les soldats, et seuls restaient à bord le comite, les seconds des comites et les gardiens pour surveiller les galériens. Les galères étaient recouvertes d’une bâche pour protéger la chiourme qui passait l’hiver à bord. Quand les galères furent supprimées, le personnel passa sous dépendance de la marine royale et la chiourme fut mise à travailler dans les arsenaux47.
  • 48 . Maximiliano Barrio Gozalo, « La mano de obra esclava en el Arsenal de Cartagena a mediados del S (...)
  • 49 . Ces données sont tirées des archives AGS, Marina, leg. 701-709 et 721.
32Les chantiers navals qui employèrent une main-d’œuvre esclave furent La Carraca (province de Cadix), El Ferrol (La Corogne, Galice) et Carthagène (près de Murcie, sur la côte méditerranéenne). Dans le premier, la présence d’esclaves est très ancienne, et cet arsenal exista en même temps que le service des galères et continua même par la suite à fonctionner, au moins jusqu’en 1779. Dans le second arsenal, c’est en 1752 que l’on y envoya pour la première fois 150 esclaves, mais en 1766 il n’y en avait plus que cinq, et ils firent partie de l’échange général de 1768, date à partir de laquelle il n’y eut plus d’esclave sur ce site. Enfin, dans l’arsenal de Carthagène, où l’existence d’esclaves y était très ancienne, leur présence en masse débuta avec le transfert de ceux qui servaient sur l’escadre des galères48. Dans les années 1750, le nombre d’esclaves travaillant à l’arsenal de Carthagène tourne autour de 800, mais ce nombre augmente progressivement jusqu’en 1768. En 1763, ils sont 1 260, mais 300 sont envoyés alors pour construire le chemin de Catalogne. L’année suivante, ils sont 994, mais là aussi l’on en envoie 300 pour faire le chemin qui va de la cour au col de Guadarrama. En 1765, ils sont 906 ; en 1767, leur nombre diminue légèrement, car Charles III, en signant la paix avec le Maroc, autorise l’ambassadeur marocain à emmener 123 esclaves de son pays. Au début de l’année 1768, leur nombre atteint 1 237, mais, à cause de l’échange d’esclaves qu’il y eut avec Alger cette année-là, il n’en resta plus que 226. À partir de cette date, et suite aux libérations que l’on accorde et à la baisse des captures que l’on fait, leur nombre demeure relativement bas et diminue progressivement : 476 en 1770, 154 en 1780 et 54 en 1783. En 1786, avec la signature du traité de paix avec Alger, la main-d’œuvre esclave a pratiquement disparu, ou est devenue simplement symbolique49.
  • 50 . AGS, Marina, leg. 694 : « como si fueran esclavos renegados ». Cité par Rosa Pérez Estévez, El p (...)
  • 51 . En 1753, l’on vendit à l’encan 66 Maures, déclarés inaptes pour les travaux de l’arsenal, pour l (...)
  • 52 . AGS, Marina, leg. 705, Medina à Arriaga, Carthagène, 10 mars 1764 :« para urdir, encanillar y tr (...)
33Ceux qui travaillent à l’arsenal sont soit des ouvriers libres qui reçoivent donc un salaire, soit des esclaves ou des forçats. Bien que de condition juridique différente, ils étaient traités de la même façon (même alimentation, mêmes horaires) et ils se relayaient dans les mêmes tâches, ce qui explique les plaintes de ces derniers qui considèrent qu’ils sont traités « comme des esclaves renégats »50. Les Maures et Turcs, esclaves du roi, faisaient dans l’arsenal tout type de travaux : ils travaillaient aux pompes pour écoper et maintenir les cales sèches quand il pleuvait ou qu’il y avait des infiltrations, à la construction de navires, à la fabrication de bâches ou de voiles, de cordages et d’agrès, sur les docks, à l’entretien et aux tâches de caractère général. Ils étaient répartis en fonction de leur robustesse, âge et santé. Les plus faibles restaient dans le quartier des galères pour tisser et faire de l’étoupe et, parfois, ils étaient vendus à des particuliers, ou échangés avec des captifs chrétiens pour éviter des dépenses aux finances royales51. Si les enfants de moins de quinze ans étaient confiés à des artisans ou vendus à des particuliers, les adolescents âgés entre quinze et dix-huit ans étaient employés dans des travaux moins pénibles que ceux réservés aux adultes. Ainsi, 33 garçons qui étaient dans l’arsenal en 1764 travaillaient à la fabrication de bâches et de voiles « à ourdir, embobiner et apporter l’eau nécessaire »52.
  • 53 . Avec la construction de l’arsenal, il fallut disposer de digues sèches pour caréner les bateaux (...)
  • 54 . AGS, Marina, leg. 705, Medina à Arriaga, Carthagène, 10 mars 1764.
34Par conséquent, les activités auxquelles on employait la main-d’œuvre esclave étaient très variées et elles évoluaient au fur et à mesure que l’on avançait dans les travaux. Un rapport de 1764 détaille les travaux que sont en train de réaliser à ce moment-là les 994 esclaves de l’arsenal : la majorité (44 %) écopent pour garder les digues sèches et c’était là le travail le plus dur qu’ils effectuaient avec les forçats53. Par conséquent, 444 esclaves, distribués sur trois tours, pompaient pour écoper et maintenir les digues sèches, 137 faisaient des travaux d’ordre général, 100 étaient employés dans la construction de six navires, 90 dans la construction de digues, 33 jeunes dans la fabrication de bâches et de voiles, 16 à la forge pour actionner les soufflets, 6 plongeurs pour les digues, 12 pour l’entretien de l’hôpital, 91 étaient malades à l’hôpital et 65 invalides travaillaient dans le quartier des galères54.
  • 55 . Ibid., leg. 709, Ordre royal donné à l’Escurial le 20 novembre 1766.
35Les esclaves, tout comme les forçats, devaient travailler avec chaînes et fers et ils étaient soumis à la surveillance des contremaîtres qui étaient généralement choisis parmi les nouveaux chrétiens, c’est-à-dire les esclaves qui s’étaient convertis au christianisme. La dureté de traitement de leurs anciens coreligionnaires suscita la plainte des esclaves et en 1766 l’on interdit de nommer des contremaîtres parmi les néo-convertis et l’on releva de leurs fonctions ceux en poste55.
  • 56 . Ibid., Medina à Arriaga, Carthagène, 6 octobre 1767 : « en un paraje inmediato, al abrigo de tod (...)
36La durée de la journée de travail était proportionnelle aux efforts que l’on devait faire. Dans les pompes pour assécher les digues, comme l’effort est supérieur, la journée ne durait que six heures, trois de jour et trois de nuit. La journée de travail de ceux qui travaillaient dans d’autres emplois variait en fonction des saisons. On travaillait du lever au coucher du soleil, mais en été on se reposait à midi pendant trois heures, alors qu’en hiver le temps de repos n’était que d’une heure et demie. Quand sonnait la cloche, ils arrêtaient de travailler et ils allaient se reposer sur les galères qui servaient de quartier, sauf ceux qui travaillaient à écoper et qui demeuraient « dans un endroit à côté, à l’abri des inclémences du temps »56.
  • 57 . Ibid., leg. 704, Arriaga à Medina, Madrid, 4 octobre 1763.
  • 58 . Ibid., leg. 705, Arriaga à Medina, Madrid, 2 et 17 mars 1764.
  • 59 . Ibid., leg. 706, Grimaldi à Arriaga, El Pardo, 8 février 1767.
  • 60 . Ibid.,Medina à Arriaga, Carthagène, 17 mars 1767.
37Les Bourbon mirent en place une politique de développement urbanistique et de construction d’un réseau de communication, où l’on employa de la main-d’œuvre esclave. Rappelons les nouvelles routes ouvertes en Catalogne et en Castille sous le règne de Charles III, ainsi que le renforcement des fortifications de Barcelone et Carthagène à la même époque. Le 4 octobre 1763, on donna l’ordre à l’intendant de Carthagène d’envoyer à Barcelone 300 esclaves pour travailler à la construction du chemin de Catalogne57. L’année suivante, on demanda à l’intendant de fournir 300 esclaves de plus, parmi les plus robustes de l’arsenal, si possible tous turcs, pour les envoyer construire le chemin royal de Castille, que l’on faisait alors entre Madrid et le col de Guadarrama. L’intendant n’y était pas très favorable car il avait grand besoin d’eux à l’arsenal, mais il dut s’y résoudre, et il envoya en même temps six gitans pour leur servir de contremaîtres58. Leur travail se prolongea durant trois ans, et les survivants revinrent à Carthagène59. Mais, soit à cause de la dureté du travail, soit à cause du froid, pendant les trois ans qu’ils demeurèrent là-bas, le taux de mortalité fut très élevé : il dépassa 125 ‰, alors qu’au même moment il n’était que de 43 ‰ dans l’arsenal de Carthagène ; c’est-à-dire que sur les 300 esclaves qui partirent de Carthagène en 1764, il n’y en eut que 187 qui revinrent, plus les six gitans que l’on avait élevé au rang de contremaîtres60.
  • 61 . AHN, Almadén, leg. 987, exp. 352 ; Antonio Matilla, Historia de las minas de Almadén, II (1646-1 (...)
38Un nombre indéterminé d’esclaves travaillèrent dans les fortifications de Barcelone et de Carthagène, ainsi que dans les mines d’Almadén. On continua à utiliser des esclaves dans ces mines au xviiie siècle, bien que le flux fût réduit en comparaison avec celui du siècle antérieur. Dans les premières années du siècle, il y avait 160 esclaves, mais la dureté du travail était telle que vers la moitié de l’année 1704, il n’en restait plus que 38 : 117 étaient morts, quatre s’étaient échappés et un autre avait été libéré. L’envoi aux mines équivalait à une condamnation à mort certaine, car peu étaient ceux qui arrivaient à survivre pendant dix ans pour atteindre la liberté promise, selon ce qui était prescrit61.

En guise de conclusion

  • 62 . Voir Moulay Belhamissi, Marine et marins d’Alger, 1518-1830,t. I : Les navires et les hommes, Al (...)
39L’historien algérien Belhamissi a regretté à juste titre que « en gonflant de façon démesurée et en répétant tout le temps le problème de la course, des captifs et de la cruauté des Algériens, on a fini par tomber dans une monotonie fatigante et dans une histoire inutile »62.
40Effectivement, il est vrai que la mémoire collective européenne, avec son historiographie, a oublié à quel point la piraterie et la course, sont anciennes et enracinées dans l’histoire millénaire de la Méditerranée. De plus, aux corsaires infidèles, animés par la convoitise des captures et le fanatisme religieux contre les chrétiens, on a opposé l’héroïsme des chevaliers de Malte et des corsaires de Majorque et d’Ibiza, qui défendaient héroïquement le monde chrétien de la barbarie islamique.
  • 63 . Maximiliano Barrio Gozalo, Esclaves et captifs…, op. cit.
41Quant à la conséquence la plus importante de la guerre de course, à savoir l’esclavage, on rappelait et on regrettait le sort de ces malheureux chrétiens tombés aux mains des Barbaresques, alors que l’on oubliait complètement, ou que l’on n’admettait qu’avec réticence, en en limitant la portée, l’esclavage contemporain des musulmans dans les pays chrétiens, spécialement en Espagne et en Italie, en France et à Malte. L’esclavage des musulmans en Espagne, de même que dans d’autres États européens, est une réalité qui se prolonge jusqu’au début du xixe siècle. Cette histoire, ignorée par de nombreux chercheurs européens pendant longtemps, fait l’objet dernièrement d’une importante production d’études, mais toutes ou presque se centrent sur le xvie et xviie siècle, considérant que le phénomène n’a au xviiie siècle qu’un caractère résiduel. Bien que j’aie déjà consacré un ouvrage à ce siècle délaissé63, j’ai repris ici quelques aspects, en essayant de suivre et d’accompagner les esclaves musulmans en Espagne, depuis le moment de leur capture et l’installation dans leur nouvelle vie jusqu’à leur éventuelle libération, par la fuite ou l’échange avec des captifs chrétiens.

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